L’autonomie 1 savoir faire seul ou à plusieurs ?

Comment penser l’autonomie
Marlène Jouan et Sandra Laugier

Entre compétences et dépendances
2009 puf

(Extraits choisis. Les explications graphiques en icônes sont uniquement mon interprétation surement très imparfaite des phénomènes expliqués, dans le but de les comprendre le plus facilement possible)

L’autonomie est placée au coeur de toute morale aujourd’hui, dans la tradition de cette invention kantienne. Pourtant cette priorité est contestée :
célébration d’un individualisme à la limite de l’égoïsme
illusion d’un sujet impartial et souverain
absence de pensée quand aux nouvelles exigences de la relation à autrui : communautarisme, féministes, politiques de l’identité, reconnaissance, éthique de la vertu, du bien-être personnel etc.

Comment apprendre à faire sans aide, à faire seul, si la condition de cette solitude est d’être de plus en plus à part ? Etre soi sans la société, ce n’est pas possible. Si la culture permet alors des communautarismes qui prêchent une reconnaissance c’est que cette culture ne parvient pas à inclure les individus ou qu’ils ne se sentent eux pas suffisamment inclus. L’attente de l’autre est trop grande par rapport à sa réalité ou la vitesse des changements qu’elle peut contenir dans la définition de la reconnaissance attendue. L’individu peut-il faire preuve d’autonomie dans ce contexte ? Les considérations d’accélération de cet individualisme mettent à mal l’autonomie. Elle se confond avec une dépendance d’une (non) reconnaissance de la part des institutions, des lois. Comment apprendre alors ce dont on est dépossédé ? Si je confonds l’autonomie avec la solitude et le silence obéit alors qu’elle est intégration et compréhension des règles en soi, si ces règles n’expriment pas ma définition de mon identité, l’autonomie est-elle seulement possible ?
Il me semble qu’il y a un espoir dans la créativité de la faire émerger, mais il faut penser l’autonomie non plus comme Kant mais davantage comme Hegel, ce que nous verrons plus tard. Mais cela implique des renoncements auxquels nous ne sommes peut-être pas habitués dans une société qui implique un devenir relativement pensé (hélas presque que) jusqu’à un âge de travailler, donc de façon assez insuffisante pour engendrer une peur compréhensible du chômage et de l’appréhension de l’après travail. Penser « l’après » de façon à ne pas être inquiété de la privation de liberté de l’extension naturelle d’autrui (et donc de chacun) n’est plus vécu comme suffisant.

Descombes à propos du jeu de dame : « lorsque nous {l’instructeur} n’a plus besoin de l’avertir {l’apprenti} de ce que prescrit la règle du jeu, nous déclarons qu’il sait jouer, qu’il a appris et maîtrisé les règles du jeu. C’est précisément cela que nous appelons connaître les règles ou être autonome. »

« L’autonomie de la volonté est le principe unique de toutes les lois morales et des devoirs qui y sont conformes. »
Emmanuel Kant – 1724-1804 – Critique de la raison pratique – 1788

« Si l’entendement peut être défini comme pouvoir de ramener les phénomènes à l’unité au moyen de règles, la raison est le pouvoir de ramener à l’unité les règles de l’entendement sous des principes. Elle ne se rapporte donc jamais immédiatement à l’expérience ou à quelque objet que ce soit, mais à l’entendement, pour donner au divers des connaissances de celui-ci une unité a priori grâce à des concepts ; cette unité peut être appelée unité de raison et diffère essentiellement de celle qu’on peut tirer de l’entendement. »
Emmanuel Kant – 1724-1804 – Critique de la Raison pure, 1781

« Les Lumières, c’est la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable. L’état de tutelle est l’incapacité de se servir de son entendement sans la conduite d’un autre […] Sapere Aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des Lumières. »
Emmanuel Kant – 1724-1804 – Qu’est-ce que les Lumières ? – 1784

Mais nous connaissons davantage ce résumé de l’autonomie par :

« Agis de telle sorte que la maxime de ta volonté puisse être érigée en loi morale universelle. »
Emmanuel Kant – 1724-1804 – Critique de la raison pratique – 1788

Ce point que je considèrais comme la définition de départ de l’autonomie dans cette collecte de points de vue n’est donc plus suffisante en elle-même, mais se trouvera renforcée par l’émergence d’une conscience de soi et d’un corps à la société par la créativité dans un système complexe d’interactions.
La créativité et l’autonomie pouvant potentiellement s’engendrer alors l’une l’autre.

L’ »homme-Dieu kantien » ( Murdoch ) aujourd’hui est moins d’actualité, au profit de ce qu’A. Honneth appelle une autonomie décentrée ». Kant fait de l’autonomie une notion privative : aucune condition substantielle ne peut trouver à l’aune de cette loi une justification universelle.

On est là dans une visée idéale de l’autonomie qui est contestée par toutes les contingences de notre société. Il manque donc une portée « extra sociale », qui prétendait à exister dans un monde religieux, où le but en soi de toute vie était garantie par la croyance en un au-delà qui permettait cet attente universelle. Hors, d’universaux en dehors de quelques phénomènes tels que l’interdit de l’inceste ou du cannibalisme ( qui existaient confidentiellement aux yeux du monde néanmoins dans quelques cultures ), il n’y a pas. La société comporte en elle des injonctions paradoxales qui ne permettent pas concrètement une autonomie kantienne, et par nature la considération des besoins de l’individu ne permet pas non plus une universalité.

La première critique était à la fois ontologique (relevant de l’ « être ») et épistémologique (relevant du de la connaissance) : elle conteste l’idée d’un soi souverain et transparent puisque nous sommes construit sur des structures sociales et symboliques. Ceci introduit une notion de passivité, de subjectivité (Arnaud Esquerre ,Laugier « subjectivité et agentivité ») et une conception uniquement négative de la liberté en tant qu’absence de contraintes (modèle hégélien de l’autodétermination), une volonté « qui se veut elle-même » et se conserve dans l’action et l’expérience qu’elle fait du monde (Hegel Principes de la philosophie du droit 1820 )

On voit là l’approche de la nécessité d’action et d’incarnation par la volonté qui se veut elle-même. Elle va agir sur le monde. La créativité serait une compétence consubstantielle de l’état d’autonomie, qui avec cette conception, d’état, se transforme en action autonome, dans un cycle permettant son arrêt et le renouveau du désir.

L’individualisme désacralisant ne saurait se comprendre sans la reconnaissance du droit accordé à l’individu contre les interférences d’autrui dans sa sphère privée.

Charles Taylor : distingue l’idéal d’authenticité de ses formes dégradées et déviantes pour rejeter ces dernières au nom même de l’autonomie.

L’individualisme est multiple (Ehremberg) : il n’y a pas de Moi ou de Soi sans Autrui constitutif et pas seulement coexistant.
Romuald Bodin : l’autonomie n’est pas synonyme d’indépendance. La question devient : à quel modèle social renvoie l’autonomie.
L’autonomie et la vulnérabilité de l’individu se déterminent en quelque sorte réciproquement et non pas à l’exclusion l’une de l’autre.
Prendre soin de soi dans le sens de surmonter ses blessures narcissiques, renvoie à des besoins de sollicitude et d’attention (Joan Tronto, reprise par Pascale Molinier) qui constituent un obstacle à l’autonomie puisque ce phénomène est destiné à lui précéder.

L’autonomie est elle condamnée à être seulement pensée et non éprouvée, à n’être qu’un idéal pour exister sans plus aucune raisons que celles que la société propose elle-même ? N’est-ce pas une porte ouverte aux idéologies aliénantes sous un couvert d’épanouissement téléologique ? L’approche hégélienne va remettre cette idée au coeur de l’émergence d’une conscience de soi et donc collective.

Marlène Jouan et Sandra Laugier
Genèse et attribution de l’autonomie.

Cornelius Castoriadis : le « projet d’autonomie » (2nde moitié du XX°). C’est l’absence de pathologies ou d’affects négatifs qui déforment ou suppriment la puissance d’agir d’un individu. L’autonomie selon lui est au coeur des trois métiers « impossibles » : la psychanalyse, la pédagogie ou l’éducation et la politique. Tous trois doivent s’appuyer sur une autonomie qui n’existe pas encore afin d’aider à la création de l’autonomie du sujet : « le patient {y} est l’agent principal de sa propre activité » (psychanalyse et politique 89 p173-190).

L’autonomie y est pensée en principe interne de la personne à qui elle est destinée comme suit :
1 reconstruction du processus d’accès à la conscience de soi à partir des déductions de l’acteur ou du sujet engagé dans l’expérience, et pas seulement des déterminations du spectateur ou de l’observateur réfléchi (Honneth pour Hegel)
2 psychologisation de l’acte et témoignage de l’auteur (Castel)
3 assomption des raisons d’agir (Mazaleigue pour Davidson)
4 sentiment d’impuissance (Jaeggi)
5 prétention à (Ambroise pour Butler) ou énonciation de (Esquerre) sa propre autonomie

Est-ce que cette perspective interne est accessibles à l’individu ? Encore faut-il :

A qu’elle lui soit simplement accessible donc il faut qu’il y soit actif
B qu’elle soit bien la sienne et non intégralement issue ou imposée de l’extérieur
C qu’elle ne prétende pas à l’omnipotence ou à l’idiosyncrasie (comportement propre à une personne face aux influences extérieures).
D quelle soit lucide ce qui suppose un certain degré de connaissance de soi, de ses dépendances et déterminations
E qu’elle soit efficace et pas seulement virtuelle

Peut-on résumer ce projet d’autonomie à : atteindre un but qui existe en soi et dont l’apprentissage est seulement le chemin ? La petite enfance par le jeu enfantin est déjà dans ce principe, la complexité de l’adolescence peut ainsi se penser par l’adjonction de retours, évaluations, autoévaluations et sélections du système créatif lui-même. Le refus, l’épreuve de la société ne suffit plus, il faut la remodeliser en fonction de ses propres aventures intérieures afin non plus seulement d’en faire partie passivement, mais de la constituer en tant qu’acteur car elle est elle-même dans un processus d’engendrement permanent. De figée elle devient mobile et doit assurer sa propre capacité à engendrer. Apprendre à créer devient donc une condition même de constitution de la société.

Du désir à la connaissance
Axel Honneth

Pour Hegel, on doit passer « de la nuit vide de l’au-delà suprasensible dans le jour spirituel de la présence » (Phénoménologie de l’esprit p 200). On n’accède à la conscience de son propre « soi » qu’après être entré dans une relation de « reconnaissance » avec un autre sujet, qu’après la condition préalable d’une reconnaissance intersubjective.
Le monde des objets n’est plus un don du monde avec lequel on doit composer mais un révélateur d’une manière d’être.
Pour Hegel, «  {mais} en tant qu’elle {la conscience de soi} ne différencie d’elle même qu’elle-même en tant qu’elle-même, la différence est pour elle immédiatement supprimée en tant qu’un être-autre ; la différence n’a pas d’être, et elle, la conscience de soi, est seulement la tautologie sans mouvement du : moi, je suis moi ; en tant que la différence n’a pas non plus , pour elle, la figure de l’être, elle n’est pas une conscience de soi » (p192).
Entre le type de conscience que je possède de mes activités mentales elles-mêmes, il faut qu’il y ait une différence qui , à ce degré d’avancement de la conscience de soi, peut pas encore être du tout présente. Il faut pour la faire apparaitre une expérience de modification de la réalité, une action.
Il faut donc un désir, un élan de satisfaction des besoins. Ce désir doit se mouvoir vers le vivant et donc appréhender le concept de vie, non dans le concept, non dans sa représentation passive, mais dans son propre engagement.

Est-ce à dire que le désir lui-même est une nécessité ? Peut-on provoquer l’amour ? Les idées appartiennent-elles dès lors qu’elles sont échangées au monde du vivant selon un idéal platonicien ?

Le monde que le sujet a construit est un tout qui se maintient à travers une transformation permanente. Et pourtant pour que soit mis à conscience ce phénomène, le sujet doit en permanence se sentir partiellement exclu. En tant que porteur de conscience, il appartient à un groupe qui fait que la vie renvoie à autre chose qu’elle pour se définir, et c’est cela la conscience.
L’autonomie est donc la condition de la réalisation de ses propres désirs. La nécessaire condition de l’émergence de l’autonomie est de passer à l’action incomplète et frustrante. La créativité comme espace de recréation d’une expression de la vie trouve sa légitimité. On cherche à reposséder ce que nous avons déjà en nous, l’expression de la vie. Il est ainsi logique que de la créativité naisse l’autonomie puisque c’est par l’extension du monde et l’appréhension de la totalité du vivant (peut-on oser dire davantage et aller vers l’expression du mouvement, temps et espace qui définissent un rôle) que l’être humain accomplit une jonction par la raison avec l’univers dans lequel il s’inscrit ? Pour tant la conscience qui a comme objet simple son « pur-moi » hégélien ne prend pas encore (parce que l’époque ne le permet pas) cette dimension de circonscription dans la culture et par l’attente des experts de son domaine d’expérimentation. La conscience est ici perçue comme mouvement du moi vivant. il y a là l’idée de mutation.
Il serait alors pertinent dans les créations des élèves d’introduire davantage que le concept de finalité mais aussi celui de mobilité de la réalisation. Tout chef d’oeuvre est par essence amené à être le pattern d’un autre chef d’oeuvre. Créer un arbre, un organe, une représentation vivante de ses propres chefs d’oeuvres serait surement bénéfique à l’élève.
Hegel «  Et, de fait, la conscience de soi n’est certaine d’elle-même que par la suppression de cet Autre qui se présente à elle comme une vie subsistante-par-soi ; elle est désir » p197
La supériorité du sujet sur la nature, deuxième étape du désir, va naître de la résultante de ce double résultat qu’introduit le désir : le sujet fait part l’expérience de lui-même comme partie de la nature (impliqué dans le mouvement) et de lui-même en tant que centre actif et organisant de ce mouvement de la vie, parce qu’il peut en discriminer des composantes, des actes.

A ce moment vient un autre mouvement, contraire. Une nouvelle étape de conscience : le désir ne fait pas assimiler l’objet de désir. Il reste autonome après la satisfaction. Ainsi l’individu ne peut pas opérer de suppression. Il ne peut qu’engendrer.
Winnicott transpose ce désir à la petite enfance : le petit enfant cède au besoin quasi ontologique de se prouver à lui-même la dépendance de son environnement à l’égard de ses propres intentions. Il détruit, c’est le fantasme de toute-puissance. Là le petit enfant va intersubjectivement apprendre une palette de nuances face à la volonté de toute-puissance. Il lui faudra alors « accomplir une négation de soi-même, il lui faut être pour l’autre ce qu’il est » (p198).

Le sujet alors ne peut assouvir son désir, après avoir éprouvé l’impuissance de sa toute-puissance, qu’en se heurtant à une élément de la réalité qui de lui-même exercera la négation sur celui-ci la négation mise en oeuvre auparavant; d’autre part le sujet doit à l’envers accomplie en ou contre lui-même une négation de ce type.

Vient alors le troisième niveau de la conscience : la rencontre avec la négation consciente de son monde par l’autre pour l’autre.
Winnicott : le sujet rencontre dans l’autre un être qui, par le biais d’un acte d’autolimitation, lui donne à connaître sa dépendance « ontologique » ( sa dépendance en tant qu’être humain ).
Ainsi ce n’est pas l’alter ego qui roduit une limitation mais l’égo avec la limitation de l’alter ego.
Il s’ensuit une réciprocité, un acte de limitation « égoïste » dès qu’ils se reconnaissent l’un l’autre.
Ils peuvent se rencontrer en limitant ou en niant leurs désirs égocentriques non plus en tant qu’objets mais en tant qu’êtres. Ce n’est pas forcément un acte décidé, mais une réaction mutuelle.
La morale, selon Hegel, peut enfin émerger. Il y a là un « espace des raisons » qui est créé, une appartenance au monde humain. L’être est devenu pour « soi-même genre » p199.
La reconnaissance est donc la limitation mutuelle du désir égocentrique en faveur de celui de l’autre.


Je propose ce schéma sûrement très maladroit des trois stades hégéliens.
« Vivre sa propre vie comme une étrangère » : l’auto-aliénation comme obstacle à l’autonomie.
Rahel Jaeggi

Aliénation : dissension intime, sentiment d’impuissance, indifférence à l’égard du monde et de nous-mêmes, le monde est vécu comme étranger.
L’autonomie serait alors la capacité qui dépend de la réflexion sur l’appropriation du monde et de soi-même.

Dans l’aliénation : incapacité à entrer en relation avec les autres hommes, les choses , les institutions sociales. Le monde aliéné est dépourvu de sens, de signification, figé ou appauvri. On est plus « chez soi » , le sujet s’éprouve comme un « objet passif » et non comme « activement effectif » (Israel 1985). L’individu ne se retrouve plus dans ses propres actions (Habermas 1999 p.47) ou lorsque nous ne sommes plus « maîtres de la puissance que nous sommes en nous-mêmes ».
Diagnostics : perte de puissance, nous sommes des sujets hétéronomes et perte de sens, le monde ne fait plus un « tout » qui fait sens. Il y a donc hétérodétermination et absence de détermination.
Problèmes : on peut être impliqué dans un monde dans lequel on a pas de contrôle, et on peut être inclus dans une relation au sein de laquelle on est déterminé parce qui nous est étranger.
Autodétermination et autoréalisation sont constitutives : seul un monde que je peux faire mien sera le lieu d’une action autodéterminée. L’autonomie est donc la maîtrise de mes propres actions.
Ce qui nous aliène est toujours à la fois propre et étranger, nous sommes à la fois victimes et bourreaux, sans être maîtres de nous-mêmes, ce qui induit une souffrance.

Auto-aliénation et hétéronomie.
peut-on être autodéterminé et aliéné par rapport à soi ? l’aliénation est une relation déficitaire à soi et au monde dont la problématique est la forme que prend ce rapport. L’important n’est donc plus ce que nous faisons mais comment nous le faisons.
Sa propre volonté serait donc d’être déterminé par une autre personne. Exemple : un couple se crée et s’enferme dans une vie qui lui semble étouffante, échappée de tout contrôle ou maîtrise.

Occultation des questions pratiques
Nous pouvons devenir étrangers à nous-mêmes, notre propre corps par exemple peut nous devenir étranger. Dans le cas du couple ou du corps, il n’y a pas d’hétérodétermination, mais un élan propre (Eigendynamik) (Tugendhat). Ces « questions pratiques » telles que « comment je veux vivre, quel humain veux-je être » impliquent l’existence d’un champ d’action et de possibilités. Elles sont donc occultées par les individus soumis à une structure qui sape les prérecquis de la capacité d’action.

Aliénation versus contrainte
Quelle est la part de l’influence ? Une loi étrangère s’oppose et s’exerce sur une volonté propre. Un élan propre n’est pas de cet ordre. Le couple qui meurt de ses habitudes n’est pas à mettre sur le même plan q’un humain qui n’est plus du tout déterminé, il y a une contrainte extérieure ici. L’individu ne s’est pas du tout décidé, il n’agit pas contre sa volonté, il a été privé de volonté, il est empêché de voir que ce qu’il fait peut être l’objet d’une décision possible.
Concept développé par Raz de l’autonomie : « être l’auteur de sa propre vie ».
Mais ceci ne peut se faire si la question est occultée. Alors il y a un pré-requis : la possibilité de considérer une décision comme un objet potentiel précède la question de savoir qui se décide et son quoi l’on s’oriente lorsque l’on prend une décision. Percevoir un champ d’action permet de poser la question et d’y répondre par soi-même.
l’autonomisation de ses propres actions consiste en l’occultation des questions pratiques.

La dissension intime

L’autodetermination peut être obstruée. Comme un réflexe qu’on a alors qu’on le refuse idéologiquement ( par exemple rire comme une adolescent dans une réunion sérieuse alors qu’on est fortement engagé dans l’action menée ). Il ne suffit pas donc de prendre soi-même des décisions pour vivre sa propre vie. On doit aussi être guidé par ses propres impulsions. Pourtant on se sent guidé par un pouvoir « étranger » parfois. A la question « que dois-je faire ? » il y a donc plusieurs réponses qui se contredisent entre elles. L’autodétermination présuppose l’identification avec soi-même. La maîtrise de soi peut parfois aussi être auto-aliénante. Donc la question n’est pas tant si l’on se maîtrise mais aussi comment on se maîtrise.

L’indifférence

Le monde devient fade ou irréel. L’individu ne peut se déterminer à l’égard de quelque chose. Ce n’est pas de l’hétérodétermination. Celui qui ne s’approprie pas le monde pratiquement, celui qui prend pour principe le ‘laisser-faire » plutôt que le « faire » n’est pas autodéterminé.

Se laisser aller (Drifting)

L’autonomie s’oppose à une vie dépourvue de choix, sans exercer sa propre capacité à choisir.
C’est une critique du concept libéral d’autonomie, être l’auteur de sa propre vie ne signifie pas que sa propre vie soit indépendante et activement configurée.

Résultats

Mener sa propre vie signifie impulser des projets poursuivis de façon autodéterminée et que l’on peut faire siens, auxquels on peut affectivement d’identifier, aussi dans un rapport au monde.
Pour pouvoir se demander « que dois-je faire ? » je dois donc
A pouvoir la voir comme telle et l’identifier comme une possibilité
B m’intéresser à elle et à la réponse que je peux lui apporter
C être en accord avec moi-même en tant que je suis celui à qui cette question se pose

Autodétermination et autoréalisation

motif hégélien : la capacité à l’autodétermination est premièrement ordonnée à une instance réflexive qui libère la volonté libre de sa déterminé naturelle et ce faisant des contraintes de la pure et simple réaction au préordonné.
elle est deuxièmement ordonnée à une transformation au cours de laquelle la volonté propre se donne une réalité. Cette réalisation est la face matérielle, concrétisée, de l’autodétermination.
L’autodétermination est un procès de libération, au cours du quel ce qui est donné devient « à soi », le procès s’affranchit de ce qui est étranger.
Le soi se réalise dans ses projets dans le monde et par le monde.

Autoréalisation et appropriation du monde

Ne pas tenir compte du besoin des autres pour se réaliser : selon Adorno (1977) , il ne s’agit pas de la « culture d’un individu qui aurait besoin d’être arrosé comme une plante pour fleurir » : «  pour eux (Kant, Goethe, Hegel), le sujet ne parvient pas à lui-même par le soin de son être-pour-soi rapporté narcissique ment à lui-même, mais par le dessaisissement , par le dévouement à ce qui n’est pas lui-même. ». L’auto-réalisation concerne l’être actif non comme un « épanouissement » ou une « croissance interne » On ne se réalise pas mais on se réalise dans ce que l’on fait. C’est là où l’on passe de « la nuit des possibilités au jour de la réalité » (Hegel)

Autoréalisation et autodétermination.

Se « réaliser soi-même » dans une activité parait caractériser cependant qu’un mode particulier. Comment peut-on identifier les activé ou les modes d’activités dans lesquelles nous pouvons « nous-mêmes nous réaliser » ?
Ce ne sont pas seulement les activités importantes ou exigeantes. Une activité ici dépend de sa structure inhérente. Kambartel : pour pouvoir se réaliser, il faut deux conditions :
1 les activités doivent être autodéterminées : je dois définir mes buts moi-même.
2 les accomplissements de l’autoréalisation concernent un genre déterminé de buts, : ceux que nous suivons pour eux-mêmes (suivant la distinction aristotélicienne : dégagées de toute influences, pas pour une autre fin qu’elles-mêmes )

Qu’est ce à dire un but après l’atteinte duquel je ne puis plus me demander « pourquoi fais-je cela ? ».
« Nous comprenons dans ce cas notre agir et, avec lui, notre vie actuelle, comme moyen au servie du but visé par un autre faire et par une autre vie, dans laquelle seulement nous sommes au fond chez nous ».
L’important n’est donc pas le but en soi mais le comment réaliser ce but, puisque le but doit être réalisé pour lui-même. Nous ne sommes donc pas les sujets de notre propre agir. Seul un agir qui constitue en lui-même une réponse aux questions d’ordre supérieur, relatives aux buts eux-mêmes, peut être caractérisé comme un agir autodéterminé.
C’est la possibilité de seulement voir de telles questions qui se trouve obstruée par une série de phénomènes qui ne peuvent pas être directement compris comme une domination étrangère.

Cette conclusion dit tout, je ne vois pas quoi rajouter, je suis émerveillé devant tant d’intelligence. Il me reste encore à décrire l’autonomie telle qu’envisagée par la pédagogie contemporaine à l’aune de ces considérations mais en lisant cette théorie de l’aliénation consécutive avec le modèle hégélien, on peut se faire déjà une idée assez précise des exigences actuelles et des champs d’investigations, d’expertises que l’idée d’autonomie nous propose aujourd’hui.
Pour ma (très minime) part, je pense que le chef-d’œuvre tel que pensé dans le sphérier, notion de Freinet, trouve une légitimité dans la jonction entre les idées de créativité et d’autonomie. La classe étrange aussi, et même surtout puisqu’elle a cessé de faire le lien avec la considération de performance attendue.

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