Une idée d’activité où la forme fait sens dans une pédagogie de projet autour de la relation entre musique et pouvoir, que je tenterai l’an prochain en 3°.
Pour poursuivre la recherche que la forme fait le fond, afin de permettre une émergence d’action qui peut éclairer une façon d’envisager autrement la relation à l’objet d’art, cette démarche à long terme a pour ambition de créer un instrument polymorphe qui peut ou pas être teinté de numérique mais dont l’utilisation simple traduit une démarche complexe.
Démarche :
La relation entre musique et pouvoir, plus largement entre art et pouvoir, traduit pour moi une visée utilitariste. L’art a pour fonction de transfert entre la personne qui le désigne ou le commande et sa caractéristique morale ou esthétique. C’est ce qui se dégage des commandes des rois dans une recherche de somptuosité traduisant des caractéristiques prétendues des commanditaires, ou de laideur et d’avilissement en ce qui concerne les propagandes ( on pensera à l’art dégénéré bien sur).
Alors, apprendre à considérer l’art « en soi » peut apparaître comme un chemin salutaire. Pour parvenir à s’extraire d’une considération, je vais m’appuyer sur une dualité : l’art considéré comme dégénéré et d’un autre côté un de ses contraires, l’art comme inspirant ( sous entendu qui engendre , qui génère ).
Pour cela, les élèves créeront leurs interprétations doubles des œuvres d’arts que nous allons étudier. Si c’est une musique, alors une parodie, pastiche ou déformation de toute sorte (structure/paramètres/instruments etc) avec d’un côté une déformation de l’œuvre la sublimant ( art autorisé , « anobli » ) de l’autre une déformation avilissant ( art dégénéré ). Si c’est une oeuvre plastique, la même direction avec une image.
Les images seront remplacées par nos réalisations une fois que le projet sera réalisé, comme à chaque fois dans ce type d’article.
Nous collerons sur les deux côtés opposés de boites de récupération ( de type boites à chaussures) des QR codes pour les sons , théâtres ou les danses et des images pour les œuvres plastiques et littéraires.
Chaque boite sera une partie insérée d’un mur. Il y aura une alternance entre une face positive et une face négative côte à côte, alternance qui sera donc exactement opposée de l’autre côté du mur. Chaque élève qui se trouvera de chaque côté du mur pourra donc observer l’inverse interprétation de ce que l’autre côté propose.
Chaque boite sera reliée par un fil à la base du mur. Pour symboliser la relation de pouvoir : le silence et l’immobilité nous laissent libres de nous-mêmes, ainsi le rapport à l’autre est lui aussi libre. Si nous prenons la boite avec nous, si nous parlons, si nous bougeons, alors pensant dominer autrui, nous nous faisons posséder par l’autre. Nous entrons dans une ré-action, qui nous emprisonne par nature puisque nous sommes plus en contact avec nous mais dépendants de l’autre et de son jugement par extension. Laisser la boite en évidence attachée à son socle permet de prendre conscience que chaque fois, positivement ou négativement, la nature des choses ne nous appartient pas mais s’appartienne à elle-même. Une oeuvre d’art, un être humain par extension et ses idées, ne nous enrichissent pas par eux mêmes mais par l’impact que nous laissons absorber en nous.
Sur ce mur, il y a des boomwhakers, des bâtons qui font un son particulier quand on tape dessus. Nous développerons un morceau à performer en chant/instrument qui nécessitera l’utilisation de ces tubes. Ainsi, métaphoriquement, pour considérer la dualité , pour échapper au paradoxe bien/mal, autorisé/interdit etc, nous devons nous extraire et l’utiliser. L’usage de l’objet connecté phonotonic peut aussi remplir de belles conditions d’accompagnement, en particulier parce que la balle peut s’échapper de chaque côté et remplir une fonction rythmique d’un côté et mélodique de l’autre (dans le cas de deux phonotonic).
Chaque groupe d’élève de chaque côté du mur aura donc une partie musicale indépendante, les deux phonotonic peuvent remplir une part d’aléatoire fort appréciable dans tout ce déterminisme. Ils utiliseront le mur comme support mélodique et rythmique simple.
Ce travail peut se faire avec des textes, des paroles, ainsi nous pourrons travailler ce projet avec mon amie V. Pergola en français.
Anamorphose sonore
Dans un second grand temps, on pourra jouer un parcours sonore sur les boomwhakers car chaque tuyau aura une oeuvre en correspondance ou un groupe d’œuvres. Ce parcours pourra être augmenté d’autres sons accolés aux boites, les QR codes pouvant aussi servir de déclenchement sonore. Un matériel mobile et numérique pourra aussi transformer les sons, par exemple un QR code déclenchant un son sur une tablette, lui-même transformé par un smartfaust en sampleur ( ou une autre tablette sur GarageBand ), relié à une enceinte bluetooth, ou encore plus simplement, des consignes de type partition graphique créées par les élèves, à chanter au moment où on choisit d’utiliser une boite.
Ce parcours sonore peut obéir à plusieurs « recettes » ou ordres selon le point de vue de parcours des boites : si on prend un ordre chronologique des œuvres présentées, on aura un parcours ; si on prend un ordre géographique, thématique , d’autres parcours.
Puis le parcours sera retransmis sous forme écrite afin d’être enregistré sur plusieurs supports physiques ( 6 ipad par exemple). Les 6 ipad seront disposés dans une salle ou, et j’aimerais beaucoup, dans une structure plus grande comme le collège ou une partie du collège, de façon à ce qu’il n’y ait qu’un seul endroit où on puisse écouter tous les sons de ce parcours, soit simultanément, soit et c’est ce que je préfèrerais, dans une continuité.
La métaphore de l’installation et donc du mouvement sera que pour comprendre et écouter, l’immobilité est nécessaire. Pour que l’œuvre ne soit pas en relation de pouvoir, il est nécessaire d’être immobile, dans un lieu qui lui est consacré. Ainsi, l’œuvre échappe à la considération de pouvoir, on peut en comprendre les enjeux rien qu’en se plaçant à un endroit. C’est un moment de réflexion plus intellectuel pour l’élève car il est nécessaire de comprendre l’espace et sa géométrie, j’aimerais beaucoup travailler avec les maths pour cette partie.
Ce chemin artistique je l’espère, peut conduire les élèves à apprécier l’importance des enjeux de pouvoir dans l’œuvre d’art, quelques soient les intentions de ce pouvoir, en se dégageant d’un rapport moral simpliste et en entrant dans une autonomie de pensée et de recevoir l’art pour lui-même.