Premier article d’une longue série sur les neurosciences et la musique.
La proposition de penser l’apprentissage en fonction de l’imagerie cérébrale et du fonctionnement du système neuronal et du cerveau en particulier, apparaît comme un champ d’investigation pour l’enseignement qui met en concordance nombre de pratiques déjà éprouvées :
- par le terrain d’abord (nos pratiques conscientes ou inconscientes rejoignent pour une large part les découvertes de cette piste puisque « ça marche » de soi à autrui),
- par les pédagogies musicales (la psychologie se mêle pour une large part au fonctionnement du cerveau et c’est tout à fait logique également) et
- par l’intuition musicale (puisqu’on « le sent » en tant que musicien).
Ces articles sont basés sur les travaux de Daniel Levitin, Isabelle Peretz, Olivier Sacks, Pierre Lemarquis mais aussi nombre de chercheurs cités par les précédents que j’essaierai d’inclure au fur et à mesure.
Mais cette voie peut aussi permettre plusieurs nécessités :
- éviter les contresens pédagogiques pour l’apprentissage
- mettre à jour des voies abandonnées pour des raisons diverses
- repenser encore les outils actuellement disponibles
J’ai choisi comme entrée dans cette recherche, la position de l’instinct, ce qu’on sait mais qu’on ignore comment. J’ai aussi choisi d’éluder certaines hypothèses de fonctions sociales de la musique, qui, si elles sont d’un intérêt intellectuel indéniable, ne servent pas directement l’éducation dans ce qu’elle propose d’émancipatrice de l’individu au sein de la société de mon présent point de vue.
Les hypothèses pédagogiques ne sont évidemment que des pierres à tailler, polir, affiner, élaguer etc.
L’instinct musical
Quand on se réveille, ou que l’on sort d’une méditation est-ce comparable aux sensations du fœtus ? Nous savons que le fœtus humain entend la musique ( travaux d’Alexandra Lamont. Keele U.K.).
Le système auditif fonctionne vingt semaines (cinq mois) après la conception. Cela contredit la théorie de la formation de la mémoire à cinq ans. Il n’y a pas encore de hiérarchie de l’information, le cerveau est en formation. Il est facile de se créer des souvenirs par ce que l’on raconte mais la preuve est faite de la mémoire musicale.
HYPOTHÈSE : si la musique permet l’ancrage du contexte par une isolation du phénomène, une unicité de l’utilisation, les siestes musicales pourraient exercer une libération de dopamine par une pratique régulière et courte avec des morceaux différents et ceci afin de créer un bien-être intérieur propice à la concentration, à l’intériorisation et à un sentiment de confort/plaisir/sécurité.
La musique en tant que fonction associée et préparatrice au langage pourrait donc être utile au temps de lecture juste avant s’il est appliqué sur un établissement. Il serait idéal que l’élève choisisse lui-même son propre morceau en fonction du plaisir qu’il lui procure avec en point d’entrée la consigne qu’il le sécurise.
HYPOTHÈSE 2 : il s’agirait alors d’être d’une extreme prudence avec l’association et le temps dédié. Si l’élève associe un événement désagréable avec le moment musical, il risque d’associer la sécurité avec le risque au lieu de créer une surimpression. Il vaut mieux que ce travail soit conscientisé : transformer par sublimation sonore un événement personnel privé.
HYPOTHÈSE 3 : il serait interessant pour l’élève de parvenir à une création de son propre son d’ancrage directement à la suite d’une première audition et que cette création suive une évolution parallèle aux écoutes différentes. Il apparaît alors que l’abandon d’un travail pour un autre soit évalué tout à fait positivement. Évaluer positivement l’abandon d’un travail permet ainsi la possibilité de changement de direction de travail. Il faudra donc conserver le brouillon de ce travail, un cloud d’établissement /NAS semble indispensable ou au moins un stockage possible en interne.
HYPOTHÈSE 4 : penser un outil d’abandon,un brouillon permanent qui puisse être repris sur plusieurs mois voire années. Comme un journal de bord / brouillon / dialogue avec soi de type agenda à plusieurs entrées. Un mélange entre Evernote/Drive/Whatsapp ,les différents logiciels de création musicale et le brouillon physique. Une chemise par élève comprenant une tablette pliable à stylet étant impossible, une solution arduino avec un shield de type 1SHEELD insérée dans une chemise/dossier élève laissée dans la salle de musique est elle plus avantageuse et plus équitable que la traditionnelle clef USB / affaire de cours ?
HYPOTHESE 5 : créer des musiques par ludification pour manipuler les paramètres et composantes en fonction d’une intention de devenir de l’être, pour prendre conscience de la non-hiérarchisation des souvenirs, pour anticiper les pollutions sonores, pour favoriser l’empathie. On peut imaginer un wargame/construction en constituant un élevage de dragons et en leur faisant écouter au stade d’œufs, de la musique créée par les élèves. Le dragon évoluera en fonction de la musique. Les autres élèves peuvent décider de l’impact de cette musique sur le dragon. Une fois éclot, le bébé dragon pourra associer ses souvenirs avec des recréations/pastiches/variations de la musique écoutée dans l’oeuf à des activités qu’il pratiquera suivant plusieurs types de bâtiments. Le but serait que son dragon soit le plus complet possible dans les alchimies des paramètres-composantes du son proposées. Le point de vue des composantes ainsi dissociées par les pairs permettrait d’éviter des associations morales surannées de type : classique = précieux / hard rock = violent / rap = vulgaire etc. Mais permettrait aussi de garder des possibilités d’identification par genres et de faire donc émerger des prototypes.
(Site de création de cartes : http://funcardmaker.thaledric.fr les dragons seront à colorier par les élèves )
La période d’acculturation se poursuit. L’enfant préfère la consonance. La dissonance vient avec l’âge avec différentes nuances. Les neurones du cortex auditif primaire se déclenchent simultanément à l’audition d’un accord dissonant. Pas pour un accord consonant.
HYPOTHÈSE : penser un enseignement spiralaire sur les quatre années à la séance près avec la conscience de faire écouter des dissonances rapidement dans un contexte consonant. Les périodes historiques sont à bannir évidemment à moins qu’elles s’insèrent dans ce process.
HYPOTHÈSE 2 : faire chanter/écouter de la polyphonie très vite (6°) consonante fréquemment et dissonante sporadiquement. Tout ça, tout le monde le fait déjà très bien évidemment. Pratiquer le déplaisir en créativité de choeur : les élèves créent eux-mêmes leur relation au plaisir et au dégoût par leur création de chant qu’ils affinent de la même façon qu’on pourrait le leur apprendre, de façon hebdomadaire et par plusieurs séquences.
HYPOTHÈSE 3 : rapport à la synesthésie, imaginer la musique sous forme de plats, associer les sens en imagination par rapport au sentiment de joie ? La synesthésie visuelle peut faire irruption en tant qu’énoncés dans les phases de travail en autonomie par des vidéos ou des tableaux à couleurs ou à formes « dissonantes », c’est à dire difficilement prédictibles, tout en mettant l’élève en sécurité. Je pense à Escher ou à Varini.
HYPOTHÈSE 4 : revenir aux micro activités de reconnaissance d’accords et de créations vocales avec des jeux mais régulierement sans exception.
HYPOTHÈSE 5 : insérer ces phases dans les pdt par la ludification et les rôles dans les ilots.
HYPOTHÈSE 6 : créer un système d’îlots dédié avec des micro activités , entraide par compréhension rapide des méthodes de composition.
HYPOTHESE 7 : Apprendre dès la 6° à créer des accords parfaits au clavier et par opposition des dissonances. Apprendre en suivant à faire du trois voix très léger en conscience de ces accords.
Les nourrissons savent reconnaître les transpositions de notes et les changements de tempo. Ils utilisent quelques fonctionnalités de l’oreille absolue, dont nous évoquerons dans un article ultérieur le caractère universel (Jenny Saffran , université Wisconsin et Laurel Trainer, université McMaster à Hamilton – Ontario).
Le contour est la fonctionnalité musicale la plus saillante chez les enfants (Trehub, Dowling). Le contour est : mélodie ascendante / descendante sans tenir compte des intervalles. Cela va de pair avec le contour linguistique qui permet de distinguer une affirmation, une injonction ou une interrogation. Nous avons cette faculté retrouvée quand nous parlons instinctivement au nourrisson, observons-nous lorsque nous tenons un bébé entre les bras.
Nous verrons très vite que les circuits neuronaux de la musique sont liés, comme de façon préparatoire, aux zones du langage en ce qui concerne l’aspect mélodique général (contour, timbre, rythme de la scansion, hauteur etc.). L’autre partie principale des zones d’activation se fera au niveau du corps (rythme, durée, tempo etc.). Il s’agira de détailler bien sur car cette généralité est parsemée de circuits parallèles neuronaux qui engagent d’autres paramètres très importants. On peut partir sur le principe que la musique initie à l’apprentissage des langues et en renforce voire en permet la compréhension.
HYPOTHESE 1 : Idée d’exercice face à un nourrisson, faire parler comme à un bébé les élèves.
HYPOTHESE 2 : faire chanter comme à un bébé, inventer une comptine à son petit frère / soeur en passant par le chant en priorité.
HYPOTHESE 3 : faire écouter des phrases dans d’autres langues et en reproduire le contour. Penser au russe, à l’italien
HYPOTHESE 4 : manipuler les contours, les inverser, lire un passage en inversant les codes, en en inventant. Inventer une langue et une écriture, un slam en langue elfique. Faire parler bébé yoda du Mandalorien, raconter le déclin des créatures féériques dans The Witcher etc.
Les jeunes enfants parviennent à mieux retenir les intervalles consonants comme la quarte ou la quinte. Dès neuf mois, la gamme majeure est indifféremment apprise des autres gammes : le cerveau enregistre le codage définitif après.
Plus les enfants entendent tôt la musique, plus ils la reproduisent et varient notes et rythmes. Les notes qui se rapprochent de la série des harmoniques sont plus facilement reproductibles.
Posner : vers deux ans, les enfants montrent une préférence pour la musique de leur culture.
Avant: ils préfèrent les chansons simples, à la ligne mélodique claire, avec des progressions d’accords prévisibles. Le lobe frontal et le cingulaire antérieur (structure responsable de l’attention de l’enfant) ne sont pas encore formés avant en général 8 ans. C’est pourquoi les jeunes enfants ont du mal à chanter les canons ( comme frère Jacques ), parce qu’ils ont du mal à concevoir les actions simultanées. Les stimuli indésirables ne sont pas encore évacués dans l’attention. Bien sur chaque enfant est particulier.
Posner : les jeux de concentration de la NASA peuvent aider à accentuer l’attention chez les jeunes enfants.
HYPOTHESE 1 : investir les neurotracker, l’intelligym, s’intéresser à peak et neuronation. Réinvestir les jeux vidéos sonores en les comparant à ces activités. Transformer ces activités en jeux.
HYPOTHESE 2 : favoriser le repérage sonore à l’aveugle et le mettre à conscience
HYPOTHESE 3 : se servir des claviers orientaux, des manches fretless, des gammes extra-européennes et non tempérées afin de les chanter, les faire chanter et les manipuler (app thumbjam préconisée).
HYPOTHESE 4 : se servir d’une spatialisation avancée , circulaire ( du 8.1 dans la salle de musique disposé en cercle autour des élèves / en cours d’installation dans la salle de musique du collège ) afin de détecter les origines d’un son
HYPOTHESE 5 : aborder le canon et ce genre de structures en fin de cycle 4. En cycle 3, aller vers de la polyphonie en anamorphose, suivant le tempo. Mettre des paroles simples sur des phases de Reich chantées en polyphonie par exemple de façon à recomposer une phrase cohérente ou vers les tempos décalés comme Knut Nysted avec Bach. On pensera à Aperghis bien sur mais le but n’est absolument pas d’entrer dans une phase contemporaine de conscience musicale, ni d’entrer dans une esthétisation-interprétation (tant mieux si c’est là bien sur), le but est la conscience d’une hybridation entre temps circulaire et linéaire de façon à faire émerger un sens émis par soi et complété par autrui, uniquement par la musique.