Le Sphérier

La naissance de cet outil d’évaluation vient d’une posture différente concernant l’appréhension des compétences à acquérir en Education Musicale. Cet article est une réflexion et ne se veut aucunement péremptoire, novateur ou infaillible, comme d’ailleurs le principe « lab » / expérimental de ce site. Le sphérier est pour l’instant sur creative commons la plus fermée car il me faudra encore du temps pour l’éprouver et me confirmer ou m’infirmer sa pertinence.

Ayant soumis cet outil à supervision depuis quelques mois , je le teste depuis l’an dernier.

Mon très estimé collègue d’ #edmus @vleroux44 vient d’en réaliser avec un brio immense la concrétisation numérique et j’ai testé ce système avec quelques classes cette année, ce qui m’incite maintenant à expliquer son fonctionnement.

Ma très estimée collègue d’#edmus @zikmuable a grandement contribué dans son élaboration par un travail commun autour des îlots par rôles et du sphérier lui-même. Je lui ai pris sa forme finale, très inspirée aussi par l’excellent site méludia.

Les notes ne me posent pas de problèmes en soi tant qu’elle sont considérées (et je reprends le terme d’une amie-collègue) comme un curseur. C’est le concept de moyennes qui m’échappe et la considération du travail scolaire qui en découle, de même que l’unique visée d’une perfection d’un rendu attendu jugé par un expert lui-même issu de ce système qui me pose question, ce qui implique pour moi un nombre de paramètres important laissés de côté. D’abord des paramètres d’outils : avec quels outils intellectuels a-t-on réalisé tel travail ? L’outil utilisé influence-t-il le rendu ? Où est l’arbitraire dans l’évaluation d’une performance musicale ? Bref, qu’évalue-t-on et pourquoi ? Qu’est ce qui reflète dans la société le travail de l’école ? Je n’ai pas de réponses toutes faites à ces questions mais je ne peux m’empêcher de me les poser.

Les compétences ne me posent pas non plus de problème, les ceintures non plus. C’est la gradation face à un système fini qui me pose questions : comment évaluer une compétence (graduée ou non) ou dans un système de gradation externe (ceintures face à un projet/objectif) et que l’on a acquise une fois ? L’acquisition est elle définitive ? Est-elle rétroactive , que faire en cas d’oubli ? Comment estimer l’utilité d’une compétence face aux outils contemporains où le numérique va remplacer dans le pire des cas cette acquisition ? Où va se situer l’autonomie de l’élève ? Quel rôle avons nous à jouer professionnellement face/avec ces paramètres ? Le but d’acquérir des compétences qui sont elles aussi graduées ne remplace-t-il pas le chemin d’autonomie et la volonté de s’extraire d’un accompagnement ? Pourquoi le but de l’école est d’y rester ?

Alors peu à peu s’est dessiné un outil d’évaluation situé entre la compétence précise d’éducation musicale et le socle commun, un outil rétroactif visant l’autonomie, visant à se débarrasser de l’outil-même, un outil rétroactif prenant en compte l’inconnu en évaluant les outils intellectuels ou audio/physique relativement aux travaux/compétences attendus. Un « méta-outil ». Dans cet outil-parcours, la notion de progression reste présente, mais elle se situe vis à vis de l’outil utilisé dans la compétence attendue. Comme j’aime beaucoup les jrpg (Japanese role playing game), j’ai trouvé dans le sphérier de FFX (un jeu vidéo) beaucoup de pertinence dans la forme et l’adaptation de mes questionnements.

J’ai testé ce système cette année avec quelques classes tout en continuant le système traditionnel. Il apparaît qu’un programme dédié est ultra rapide dans son application puisqu’il faut simplement appuyer sur une sphère, comme on valide un qcm et c’est là le travail extraordinaire de @vleroux44 .

D’abord la finalité du sphérier :

sphérier principe

Des méta compétences à gauche qui reprennent les actes et directions créatives communes à toutes les compétences en éducation musicale insérées dans les activités de plus en plus complexes et reliées à droite. J’ai cherché des « fondamentaux », des « universaux » des compétences proposées par les programmes. Bien sur il n’y a rien d’exhaustif et ce n’est que mon point de vue dégagé de toute ambition de perfection. Il y aurait beaucoup à redire c’est très certain.

Ensuite les méta compétences explicitées

sphérier méta compétences

j’ai opté pour des petites icônes trouvées gratuitement sur un site dédié afin que rapidement un élève puisse s’y retrouver (et moi aussi).

Toutes les sphères. A gauche un récap des méta compétences qui intitulent les parcours du sphérier général, à droite les pastilles qui viennent se placer dans les mini sphérier de travail collaboratif et de tutorat.

sphérier pastilles

Les tuteurs sont des titres accordés en fin de trimestre ou des badges décernés en fin d’année. Chaque tuteur s’occupe de réexpliquer ou de mener un groupe lors des activités de cours. On peut être tuteur plusieurs fois dans l’année mais aussi l’être et ne plus l’être d’un trimestre à l’autre, à condition d’avoir validé des compétences attendues, soit dans le contexte de l’activité pour les tuteurs ponctuels d’élèves ( ils ne possèdent pas forcément toutes les compétences de la séquence ) soit plus largement pour les autres tuteurs.

En bas à droite , les rôles des îlots (voir article correspondant) .

Une explication ici. Un petit rond signifie qu’on a été dans ce rôle une fois, puis la taille du badge augmente pour s’insérer dans son sphérier au fur et à mesure de la pratique de ce rôle. Avec un cours hebdomadaire d’une heure, le sphérier badges des îlots est rarement rempli annuellement.

spherier explication badges

Donc au final, l’élève aurait ces symboles tout prêts

sphérier pastilles des sphères

Les couleurs à gauche symbolisent des outils avec des tendances sensorielles d’acquisition. C’est un détournement de la théorie des intelligences multiples. C’est une théorie qui me séduit car mon expérience fait que je suis bien incapable tout seul d’analyser si tel élève utilise telle forme d’acquisition ou tel moyen, alors que je me rends bien compte que la diversité des modes de transmission ainsi que l’apaisement des émotions de colère, de peur, de dégout (etc.) favorisent cette même acquisition. Classer des élèves en fonction de leur « type » d’intelligence m’apparaît être une erreur, un danger même, mais classer l’outil utilisé dans une mise à égalité totale des types d’intelligences me paraît être plus juste tout en favorisant la diversité recherchée.

Les pastilles s’intègrent dans des cercles de différentes tailles correspondants à l’autonomie attendue, le principe étant que moins l’élève se sert d’outils et/ou de ce que je peux lui apporter et que l’outil donc perd sa place principale, plus l’évaluation est importante/réussie/récompensée etc. En fait, plus l’élève sait se débrouiller sans l’outil (intellectuel/concret), mieux c’est. Je vais faire une comparaison très exagérée afin de clarifier ma pensée : si on pratique une aussi belle retouche photo avec un labo photo, voire avec des techniques de peintures hyperréalistes plutôt qu’avec le dernier IPomme 32′ et Colorshop , c’est mieux. Mais il faudra commencer par le méta-outil le plus complet pour comprendre les bases. C’est une forme inversée d’apprentissage des bases  (pour faire un trait d’humour illustratif). Pour illustrer plus précisément en éducation musicale : si on peut chanter avec le clip de l’artiste, c’est un outil complet. Mais si on peut chanter la même chose avec la même qualité en ne s’accompagnant que d’une guitare ou d’un clavier alors c’est mieux. Les compétences musicales se retrouvant alors en aide directe pour favoriser l’autonomie (conscience de la hauteur, des timbres, des rythmes etc.). Je ne les ai pas incluses dans le sphérier car ce sont des éléments tellement longs à acquérir dans des structures qui les visent (conservatoires , écoles etc) que chaque professeur peut prétendre en tant qu’expert à les évaluer dans sa propre matière suivant ce qu’on recherche. Et puis c’est un autre métier que de les former à devenir des virtuoses, un métier jumeau, très proche, mais pas le même que le mien.

Enfin ce que j’appelle un outil ici est un média/interface entre l’élève et l’objectif. Un playback est un outil au même titre qu’un programme de composition ou une « feuille » papier ou numérique de cours par exemple.

Voici donc l’ordre de la taille des sphères et donc de l’autonomie attendue.

taille des sphères

Les appellations « exercice » « travail » « exposé » etc. ne sont là qu’à titre illustratif pour surement très maladroitement traduire une pensée d’ordre complexe et relié des activités. Chanter sur un clip fait partie de l’ordre des « exercices » car l’outil est complet et donc la part de l’autonomie de l’élève moindre. Chanter en dansant ou transformer en slam une chanson rock tout en s’accompagnant au bouzouki ou avec un accompagnement créé avec table de mixage ou je ne sais quoi fait partie du chef d’oeuvre tant la part d’autonomie est importante.

Les couleurs signifient le type d’intelligence à laquelle l’outil est rattaché. Un playback avec paroles écrites (ce qu’on appelle un karaoke ) est rattaché par exemple au verbal. Un texte seul sur feuille est intrapersonnel. On peut combiner des couleurs de façon à créer des sphères comme un trivial poursuit (le jeu de plateau). Je n’ai pas de classification arrêtée encore, j’en ai testée plein, je n’ai pas assez de recul et de connaissances pour être de toutes façons catégorique sur quelque chose. Au moins, je sais que les outils utilisés par les élèves changent peu et je peux graduer l’outil (chanter sur un playback est plus facile qu’avec une feuille) ce qui m’incite à leur proposer de changer d’outil. J’ai remarqué que les outils que je classais dans visuel et verbal revenaient souvent dans leurs choix mais que les élèves et en particulier les élèves « singuliers » prenaient d’autres formes d’outils qui leur permettaient facilement d’acquérir la même compétence.

Voilà le sphérier maintenant avec d’abord les petits sphériers de travail collaboratif et de rôles

sphérier rôles et badges tutorat

celui de gauche :

  • colonnes = tuteur élève / groupe (taille variable entre 2 et 7 par exemple, ou plus facilement des îlots de 4-5) / classe entière
  • lignes = ponctuel / trimestriel / annuel (que l’on obtient en finalité)

celui de droite :

ce sont les rôles par îlots tels qu’envisagés cette année 2014-2015 dans mes cours. Petit rond = une fois etc.

Et le sphérier global, que l’on conserve un an

sphérier

le nom est à inscrire en haut à gauche.

Je répète bien que ce système est une expérimentation, que je ne possède aucunement une quelconque vérité et qu’il est destiné à évoluer (en fait, j’ai déjà pensé à quelques variantes) mais en voilà son principe de base. Je vais le retester cette année encore. Les retombées sont pour les élèves : une transcendance de la culpabilité et un amoindrissement de la peur dans l’échec fantasmé (puisque c’est l’outil ou le prof qui fait à sa place dans le pire des cas car à travers un travail c’est l’outil qui est évalué), une volonté d’accomplissement ( puisque le chef d’œuvre incarne une appropriation et un dépassement des consignes d’exercices), une simplicité ludique permettant l’autoévaluation ( on choisit des couleurs) , une diversité (l’outil est rétroactif : on se balade dans le sphérier en remplissant une sphère d’une taille et on peut la fois d’après remplir une taille différente d’un autre parcours) et une rapidité (encore plus avec un programme).

La vue eleve sur le cours avec les repères d’évaluation  :

  
  Extrait d’un padlet de cours
  


 
 

 

 

 

 

 

 

 

2 réactions au sujet de « Le Sphérier »

  1. Je suis très intéressée par toutes ces idées , bouleversée même quant à mon retard en la matière ! J’adhère à tous les changements qui me feront avancer même après 25 ans d’enseignement !

    Merci !

    1. Merci infiniment de trouver mes idées intéressantes , je suis heureux de l’écho qu’elles vous procurent . À bientôt pour un échange autour de ce qu’elles ont entraînées en vous ?

Laisser un commentaire