Avec mon amie et collègue Valérie, nous voilà repartis à faire faire une oeuvre audio-littéraire par les élèves. Cette année, les élèves d’une classe de 4° vont créer une spatialisation sonore sur un thème Halloween.
Nous avons pour cela un système d’enceinte avec 4 sorties audio dirigés par Logic Pro et une carte son multi out, ainsi que des Ipad avec Garage Band en outils d’enregistrement et d’édition sonore.
Nous avons commencé par leur faire rechercher des mots du champ lexical d’Halloween mélangé à celui de la peur, nous avons également commencé par créer des sons émergeants de ces trouvailles. Nous fonctionnons alternativement en ilots et en groupe classe.
Je vais tenter, avec l’aide du livre « vers le conte musical » de Marcel LEY éditions JM FUZEAU, d’en extraire une méthodologie pratique.
Des ilots de recherche émergent naturellement sous la forme d’ateliers, de part des étapes préparatoires.
1 la trame de l’Histoire, peut revêtir deux formes :
- un texte original sans dialogues. On aura loisir alors de créer des dialogues entre les personnages, puis une distribution des textes.
- Une mise en scène de personnages. Le traitement sonore, vocal sera alors riche. Là aussi on peut distinguer plusieurs mises en situation :
- Un enfant pour un personnage, qui s’approprie le texte chaque fois, en une prise.
- Une enfant pour un personnage, en plusieurs prises. Le texte est retravaillé, décortiqué, réenregistré.
- Plusieurs enfants pour un personnage. Les variations autour du personnage peuvent être nombreuses et de plusieurs types : chronologiques, émotionnelles, argumentatives etc.
- Un groupe d’enfant pour un personnage, sous la forme d’un choeur parlé. Les paramètres musicaux sont multipliés par un groupe choral/instrumental, avec une direction de choeur parlé/joué. Cela peut convenir ici pour des fantômes, des objets qui s’animent dans une maison hantée, des éléments surnaturels de types climatiques – vent, orage etc-.
Bien sur toutes ces idées peuvent coexister, ce ne sont que des possibilités. L’auteur lui aussi le précise, je ne fais que transposer sa démarche à un environnement numérique et au contexte que Valérie et moi allons accompagner dans sa création.
2 les lieux.
Ils peuvent être dessinés, nous avions fait construire une bande dessinée sur une corde avec les feuilles en pince à linge il y a quelques années, pour faire réaliser par les élèves et pour d’autres élèves du même collège, une histoire interactive/escape game en ce sens.
Le numérique peut nous aider ici dans le traitement de l’image. Par un choix d’images confectionnées par les enfants et un outil de retouche graphique (ou des filtres, des images toutes faites etc), nous pouvons davantage créer des effets d’incubation dans le processus créatif.
Il serait alors intéressant de transposer le déroulement de l’action par une vidéo elle même soumise à des filtres noirs et blancs, ou de type BD. Un fond vert pourrait aussi aider avec incrustation d’images. Aussi, faire appel à des jeux de constructions numériques de type Minecraft pourrait aider à la représentation de la future installation sonore et aider à la mise en place de la spatialisation sonore.
De façon beaucoup plus rapide et avant la vidéo, il suffira de se placer devant l’écran qui diffusera les premières images pour en cerner les endroits des sons.
Il apparaitra aussi qu’il sera nécessaire d’avoir des phases de test à l’aveugle, soit avec d’autres élèves d’autres classes, soit avec le podcast du collège animé par Amandine et Boris, soit par le groupe théâtre de Nadine et Hélène.
3 l’ambiance sonore peut être de trois types, à l’image de la série « Calls » de théâtre audio dont nous nous sommes servis pour illustrer dans les premières séances, un exemple de mise en situation.
- descriptive : par des essais de timbres et de créations sonores avec les iPad, nous nous rapprochons d’un son décrivant un élément du décors. L’intérêt est évidemment dans la créativité engagée et non pas dans la description fidèle de l’élément ou de l’objet recherché, même s’il en constitue l’apparente finalité.
- suggestive : l’improvisation collective peut avoir sa place ici, avec des objets / instruments de la salle de classe mais aussi par le numérique, SMARTFAUST bien sur mais aussi le traitement sonore par OSSIA Score.
Il serait à propos de faire une sortie dans un lieu bruyant et sécurisé, avec l’aide des agents par exemple en cuisine ou au gymnase, pour se rendre compte de la réalité du timbre dans la réverbération et dans l’évocation.
Dans un second temps, éteindre les lumières du CDI par un temps orageux (ça tombe bien on est en automne) avec la consigne de ne pas parler tout en se déplaçant, ou alors de diviser la classe en deux groupes, qui, de façon alternée en une heure, peuvent -pour l’un des groupes- créer des sons à des postes clefs sur des objets ou avec les iPad qui ont enregistrés les sons et les diffuser, et pour l’autre investiguer, vivre le lieu hanté. La connaissance préalable enlèvera toute peur liée à la surprise, mais permettra d’inviter la conscience artistique dans la maitrise de l’intention créative.
Il s’agira d’enregistrer en audio ces expériences avec les élèves, et en vidéo mais avec la prudence d’enregistrer la vidéo aussi sans les élèves qui « visitent » de façon à ne pas laisser de traces de réactions gênées des élèves, s’il y a.
Un débat en fin de séance permettra aux élèves de s’exprimer sur ce qu’ils ont perçu, entendu et vécu. Evidemment encore, il ne s’agira pas d’orienter les élèves, mais de vérifier que la communication est la plus intense, riche et large possible.
Une séance de création pourra s’en suivre et en fonction des lieux désirés par les élèves, une frise chronologique sonore.
L’écoute des nouveaux sons enregistrés sera l’occasion d’une évaluation formative constante. Une partition de sons pourra aussi être réalisée, en temps linéaire, puis une partition spatiale pourra émerger. Il faut que je réfléchisse à comment la réaliser, mais pour l’instant, si je ne trouve pas, je pense me servir des animations Keynote (équivalent PowerPoint) entre les diapos. Je viens de tester, ça peut marcher. Le carré gris en fond, c’est le plan de la pièce virtuelle vu de dessus. Les sons différents sont les formes blanches.
(Image du site ResearchGate https://www.researchgate.net/figure/Capture-decran-de-IanniX-de-la-partition-de-controle-de-spatialisation-pour-World-Expo_fig1_280316117 )
Je pense demander à mon ami Jean-Marie Colin le logiciel de spatialisation qu’il utilisait au Scrime pour se rendre compte du déplacement des sons.
Cela peut engendrer des activités de chef d’orchestre (un enfant prend une carte des sons et en devient le chef en SOUNDPAINTING), on peut décider aussi collectivement des timbres. Je pourrais me servir des ilots étranges pour cette activité.
L’analyse des partitions sera donc le point de départ d’une activité créative qui joue sur les masses sonores relativement aux timbres. L’enfant sera le chef d’orchestre de la maison hantée. Cela peut aussi avoir un effet bénéfique sur l’acceptation de ses émotions et la gestion de la peur, car l’enfant va s’amuser à contrôler de façon sonore et dans un but de sublimation artistique, ses propres peurs et celles de ses camarades, sous la forme de groupes orchestraux/vocaux.
Le SOUNDPAINTING qui est une technique musicale active s’approchant de l’improvisation peut se transformer en composition réfléchie avec recréation de partitions sonores. Il serait intéressant après le SOUNDPAINTING de leur faire réaliser par groupes de 5-6 des expériences de partitions, puis de réalisations sonores, avec interchangeabilité des chefs d’orchestre chaque fois. Chaque musicien.ne devient chef.fe.
Il peut aussi émerger la nécessité d’une ambiance mixte électro-acoustique dans le rendu final. L’idée des cosplay d’horreur a déjà émergé dans les trois premières séances que nous avons déjà faites. La chorale du collège chantant cette année l’étrange Noel de M. Jack, cela pourrait aussi créer un pont pour un spectacle de fin d’année ou autre chose encore d’inédit.
Un travail direct électro acoustique pourrait aussi advenir dans mes cours de musique en même temps que ma collègue traite du fantastique. On pourra ainsi s’amuser à ralentir des sons enregistrés, les accélérer, en distinguer les matières, les distances, en changer les composantes musicales, en créer des partitions etc.
4 la musique
Un travail sur le temps lisse, sur les couches sonores ou encore sur la création de chants d’horreur peut émerger ici. Une classique musique d’ambiance mais réfléchie temporellement fera aussi travailler les durées et hauteurs des sons en plus des timbres. Une recherche par la synthèse granulaire dans l’idéal pourrait accentuer ces timbres, mais les effets analogiques peuvent déjà être d’une grande utilité. Cela donnerait lieu à un travail sur un DJ d’horreur (terme à retravailler) qui anime une boite de nuit pour monstres (par exemple).
Il ne s’agira pas systématiquement de trouver des paroles d’horreur sur une musique déjà culturellement acceptée (comme l’étrange noël) mais plutôt comme un chant grec d’inspiration antique (les sirènes d’Ulysse en exemple très direct/ Seikilos aussi) ou comme Tolkien fait chanter ses personnages dans le Silmarillon ou le SdA, c’est à dire que le chant est lui-même dans la nature du personnage qui le produit.
Ce chant peut être le craquement du bois de la maison hantée, le seul moyen de s’exprimer d’un fantôme, un groupe de zombie qui a faim, une créature étrange sortie du fond des âges, un rituel de chasse de loup-garous ponctué de tambours ou autres sons tribaux, que sais-je encore.
Le travail littéraire sur les textes de chansons pourra faire distinguer le message de l’émetteur et l’intention finale du créateur. S’il crée pour plaire, c’est pour mieux les manger par exemple. S’il crée pour s’exprimer, qui est il ? Un travail d’empathie sur le personnage permettra d’en cerner sa nature. Peut-être construire une fiche de personnage de monstre comme un jeu de rôle mais avec un côté descriptif du monstre accentué, sur son lieu d’habitation, ses intentions, son (ses) champ sémantique limités forcément par son cadre de vie, son registre de langage justifié là aussi par son background.
5 les personnages
Certains pourront émerger des lieux naturellement inventés par les élèves, d’autres seront présents par une histoire autour de ses lieux (les fantômes par exemple mais pas que)
Il faudra se poser les questions de la distribution des rôles, des cosplay, des comportements, de leur façon d’agir, de parler, des conséquences d’un événement sur un autre, d’un dialogue sur un autre (un esprit malin peut se réjouir et l’on découvre après que c’est de la capture d’un fantôme dans une pièce, un loup garou se régale du corps capturé peu après etc.)
Cela sera particulièrement pertinent si les élèves décident de changer de lieu dans leur histoire sonore.
Ces entrées peuvent être chronologiques ou pas. Je vais essayer maintenant d’en tirer une feuille de route et je la publierai plus tard. Je vais demander à Valérie maintenant pour tout ce qui est construction de récit fantastique, les dialogues etc.
Ouaou quel beau projet…
Je réfléchis également à une séquence sur les LOGOS cinématographiques le lien avec la musique classique l’opéra de Orféo et son évolution en un siecle…mais je le pose la question du projet iMovie sur iPad et création sonores, dois je leur donner des extraits ou à eux de les créer ? Est ce trop difficile pour eux ?
Bonjour Céline, excellent ton projet sur l’Orfeo ! Je n’ai pas de réponse, chaque choix présente un intérêt et des stratégies possibles différentes. N’hésite pas à me tenir au courant de tes avancées si tu veux. Bien à toi.